Pour une gestion durable des ressources marines
Par l'implication de tous les pêcheurs

Publication d’un document d’analyse de l'AFH sur l’état des ressources halieutiques en Europe

L’Association Française d’Halieutique (AFH) a publié récemment une synthèse sur l’état des stocks halieutiques en Europe. Nous nous permettons de reprendre les principaux points de cette synthèse extrêmement instructive pour tout citoyen. 

Les chiffres présentés ici proviennent d’analyses scientifiques établies par le Conseil International pour l’Exploration des Mers (CIEM) et compilées par le Conseil Scientifique Technique et Economique des Pêches (CSTEP), l’instance Européenne habilitée à formuler des avis scientifiques concernant les ressources halieutiques.

Cette synthèse reprend les avis concernant les trois grandes zones de l’Atlantique fréquentées par les pêcheurs français (Manche-mer du Nord, mer Celtique-Ouest Ecosse, et golfe de Gascogne-côte ibérique), ainsi que les avis relatifs aux espèces de grand fond.

L’étude porte sur 144 stocks halieutiques. Cela ne signifie pas que ces 144 stocks représentent l’ensemble des espèces capturées en Europe. En majorité, il s’agit des espèces sous quotas. Ainsi, des espèces comme la dorade grise, la seiche etc., ne sont pas incluses. De même, certains stocks (maquereau, merlu) ainsi que les stocks d’autres zones (mer Baltique, Méditerranée, etc.) ne sont pas pris en compte dans cette synthèse.

Un progrès :

Le nombre de stocks exploités de manière durable augmente mais ne représente toujours qu’une minorité de l’ensemble des stocks en Europe.

  • 17 stocks ont été évalués comme exploités de manière durable – c’est-à-dire conformément aux objectifs de la Politique Commune des Pêches Européennes, avec le respect de l’objectif du Rendement Maximum Durable (voir plus bas).

Qu’est-ce que le Rendement Maximal Durable ?

En un mot, c’est la quantité maximum de poisson que l’on peut pêcher à long terme, c’est-à-dire sans affecter la reproduction du stock.

Schéma tiré de l’intervention du Pr. Gascuel au Sénat, consultable ici

A noter : Une espèce peut-être pêchée durablement sur une zone et surexploitée sur une autre. C’est, par exemple le cas de la sole, pêchée durablement en Manche-Ouest et surexploitée dans le Golfe de Gascogne.

 

Que peut-on attendre du RMD ?

Pour les pêcheurs, il y a trois avantages :

  • - Une augmentation des quotas de pêche in fine. Par exemple, les 17 stocks exploités durablement précédemment cités ont ainsi vus leurs propositions de quotas de 2015 augmentés de 7% par rapport aux quotas de 2014.

  • - Une capture beaucoup plus facile et rapide et donc une pêche plus rentable.

  • - Les quotas de pêche sont globalement stables sur le long terme.

Pour les poissons, il y a aussi des avantages :

  • - L’état de santé du stock est bon. Ce qui se traduit par une bonne abondance globale (biomasse du stock), un plus grand nombre de classes d’âge (avec notamment des gros et vieux poissons).

  • - Le stock est moins sensible aux variations environnementales (mortalité naturelle) et aux conséquences d’un mauvais recrutement (pour en savoir plus sur le recrutement, lisez l'article sur le bar).

Mais cette gestion dite « au RMD » comporte aussi des contraintes :

  • - La quantité maximale de poissons que les pêcheurs pourront continuer à pêcher à long terme sera limitée, afin de préserver le « capital » de poissons géniteurs, au risque de générer une grande incompréhension de leur part (« on a fait tous ces efforts pour pas grand-chose en définitive »)

  • - La route est encore longue pour atteindre cette situation de RMD. Sur certains stocks, la population a été si appauvrie que le retour des vieux individus, signe d’une bonne santé du stock, prendra du temps.

Une situation toujours précaire :

Une majorité des stocks est toujours surexploitée :

  • - 33 stocks ont été évalués comme surexploités (pêche trop forte) et/ou dégradés (population trop faible) parmi les 50 correctement évalués.

  • - 17 sont supposés être en diminution

Un grave déficit de connaissances scientifiques :

On ne dispose pas d’une évaluation scientifique suffisante de la majeure partie des stocks halieutiques. Ce manque d’évaluation ne signifie pas que tous sont surexploités, mais que les scientifiques ne peuvent établir un diagnostic précis. Pour 32 de ces 144 stocks, l’évaluation est  complètement impossible. Pour les autres, L’évaluation est dite alors « qualitative », et permet une estimation de la tendance générale de l’abondance du stock ou d’autres indicateurs halieutiques (stable, en hausse ou en baisse). Ainsi, 94 stocks halieutiques n’ont pas pu être évalués de manière complète.

 

Les quotas de pêche requis pour 2015 sont en diminution globale

Ceci pour deux raisons principales :

  • - L’obligation du respect de l’objectif de gestion durable au RMD issu de la nouvelle Politique Commune des Pêches en Europe

  • - Une situation en dégradation pour certains stocks, obligeant à une restriction des captures.

L’analyse de cette baisse globale doit prendre en compte des disparités importantes : pour 49 stocks, comprenant des espèces à forte valeur économique (sole, morue, bar etc.), les diminutions de quotas proposées sont parfois très importantes. Par exemple, la morue de mer Celtique dont le quota proposé pour 2015 diminue de 48% par rapport à celui de 2014.

Le rapport réserve une mention particulière aux espèces de grands fonds, dont les caractéristiques biologiques les rendent extrêmement vulnérables à la pêche : croissance lente, maturité tardive, et agrégations en bancs, facilitant leur capture. Pour ces espèces, les connaissances scientifiques restent très insuffisantes et ne permettent pas une évaluation de stocks complète.

 En conclusion :

Il faut rappeler que les quotas de pêche ne sont qu’un outil de gestion des pêches parmi d’autres. Ils ont certains avantages et certains défauts. Par exemple, leur définition et leur application de manière monolithique (pour une espèce, un stock), n’intègre pas encore la complexité du fonctionnement des écosystèmes. Les modifications des relations proies-prédateurs au fur et à mesure de l’atteinte du RMD risquent certainement de compliquer ce travail d’évaluation et de gestion. Il faut aussi y ajouter la complexité de la sphère humaine (marché, lobbies, consommation, énergie, etc…), c’est ce qu’on appelle l’approche écosystémique des pêches.

Enfin, ces propositions de quotas ne sont pour l’instant que des avis scientifiques. La décision de leur application sera prise lors du conseil des ministres des pêches européens de fin d’année. Respecteront-ils les avis scientifiques conformément aux règles issues de la nouvelle PCP (démocratiquement adoptée) ?

Un premier début de réponse est dans les articles ci-dessous :

http://www.lemarin.fr/articles/detail/items/quotas-2015-le-conseil-general-de-vendee-ne-veut-aucune-baisse.html

http://www.lemarin.fr/articles/detail/items/jose-jouneau-appelle-vidalies-a-refuser-toute-baisse-de-quota.html