Pour une gestion durable des ressources marines
Par l'implication de tous les pêcheurs

Vers un plan de gestion pour le bar?

 

A l’emballement de la fin d’année 2014 et les mesures d’urgences adoptées afin de limiter l’effort de pêche des chalutiers pélagiques au bar et celui des pêcheurs de loisir, a succédé une sorte de flou. L’ensemble des acteurs s’accordent sur la nécessité d’instaurer un plan de gestion à long terme du bar, mais quel en sera le contenu ? Et quel est le calendrier proposé pour y parvenir ? Sachant que le début de la période de frai du bar sonne pour beaucoup comme la dernière limite pour l’application de mesures de gestion qui permettront de préserver le stock de géniteurs et de laisser le plus de chances possibles aux stocks de bar de se reconstituer.

C'est au Parlement Européen, à Bruxelles, que se tenait la conférence organisée à l'initiative de l'EAA le mardi 14 avril 2015 intitulée "La pêche récréative du bar et sa gestion à long terme" 

 

Le forum pêche de loisir et environnement aquatique

 Pour l’heure, il n'y a malheureusement aucun calendrier défini, alors il faut saluer la tenue, le mardi 14 avril 2015 d’une conférence intitulée « La pêche récréative du bar et sa gestion à long terme ». Cet événement a été organisé à l’initiative de l’EAA (European Anglers Alliance), l’Alliance Européenne des associations de pêche sportive et l’EFTTA (European Fishing Tackle Trade Association), une association de lobbying des fabricants et distributeurs de matériel de pêche de loisir. Parmi les invités, des parlementaires européens, des fédérations de pêche de loisir, des membres de la Commission Européenne, et d’autres organismes intéressés de près ou de loin par le sujet (par exemple, la Conférence des Régions Périphériques Maritimes , soit l’association des régions maritimes de l’Union Européenne, l’organisation PEW, entre autres). Par contre les pêcheurs professionnels n’étaient pas conviés.

Cette conférence s’inscrit dans le cadre du forum sur la pêche de loisir et de l’environnement aquatique, un ensemble d’actions créé par l’EAA et l’EFTTA dans le but de défendre les intérêts de leurs structures au sein du Parlement Européen. Une sorte de « task force » pour défendre la pêche de loisir auprès des Parlementaires donc.

Autour de la table, point de pêcheurs professionnels donc, et au menu, l’importance du bar pour le secteur par M. Jean-Claude Bel de l’EFTTA, l’importance du bar pour le secteur par M.Jan Willem Wijnstroom de l’EAA, l’importance du bar pour le secteur par M. Jean Kiffer de la FNPPSF. Le tout précédé en entrée par une présentation de la situation du bar par M. Alain Cadec, avec des éléments fournis par l’Ifremer, et conclu par M. Bernhard Friess, directeur de la DG MARE, de la Commission Européenne.

Les présentations de ces organismes sont à disposition sur le site de l’EAA.

 

Parmi les personnes présentes à cette conférence, de gauche à droite, Alain Cadec, député européen, Jean-Claude Bel, EFTTA, Jean Kiffer, FNPPSF, Jan Willem Wijnstroom, EAA, Bernhard Friess, DG MARE.

 

La conférence en quelques points

Nous ne reviendrons pas sur la situation du bar, déjà présentée par ailleurs sur ce site. Juste un commentaire sur les éléments présentés, ils ne concernaient que la zone « Nord » et c’est bien dommage car le Golfe de Gascogne est continuellement oublié alors que la situation est certainement loin d’être bonne.

 

  • - Question importante, l’évaluation des captures de bars réalisées par la pêche de loisir. Le chiffre de 25% des débarquements totaux réalisés par la pêche récréative sur la zone Nord par la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Belgique a été présenté pour un tonnage de 1 500T en 2012. Les questions liées à l’incertitude de cette évaluation ainsi qu’à la variabilité potentielle d’une année à l’autre n’ont pas du tout été abordées, alors qu’elles sont cruciales !

  • - Bien entendu, le poids économique de la pêche de loisir et plus globalement de la plaisance a été fortement souligné. Les chiffres présentés par l’EFTTA sont les suivants :

    • - 8 à 10 millions de pêcheurs récréatifs en mer en Europe,

    • - 2,5 Milliards d’ € de CA réalisés par les fabricants et distributeurs de matériel de pêche de loisir,

    • - 20 Milliards d’€ de « poids économique » toutes activités confondues (tourisme, logement, presse etc.)

  • - Les acteurs de la pêche de loisir estiment qu’ils sont soumis à des mesures disproportionnées par rapport à la pêche professionnelle. A ce titre, nous pouvons aussi déclarer que c’est exactement ce que disent les pêcheurs professionnels à propos des pêcheurs plaisanciers!! Alors qui a raison, peut-être les deux… 

  • - Autre exemple de l’inégalité de traitement dont s’estiment victime les pêcheurs récréatifs : le « secteur » considère qu’il a été « exclu » de la réforme de la PCP. Ici aussi, il faut rappeler que la gestion de la pêche récréative n’est pas une prérogative de l’Union Européenne mais de chaque Etat membre. Seuls certains stocks en mauvais état de santé peuvent conduire la Commission Européenne à réguler la pêche récréative : le bar en l’occurrence, le thon rouge.

  • - Bien que l’ensemble des acteurs de la pêche de loisir se soient montrés parfaitement coordonnés, des visions bien différentes en matière de gestion de l’activité transparaissent selon les pays. Des mesures de régulation existent dans de nombreux pays, permis, quota, etc. et les représentants de la pêche de loisir de ces pays ne conçoivent pas que ces mesures soient injustifiées et irréalistes.

  • - Pour illustrer cette différence d’approche, le représentant de l’EAA a présenté les taux de remise à l’eau des bars pour trois pays (attention, aucune source n’est citée donc ces chiffres sont à considérer avec prudence) :

    • - Royaume-Uni : 77%

    • - France : 54%

    • - Hollande : 36%

  • - La FNPPSF affirme que les captures de bars de la pêche de loisir seraient de 2 500 T en 2012 et de moins de 1 500T suite à l’application de la taille minimale de 42 cm. Ici aussi, aucune source n’est citée, et à notre connaissance, aucune étude scientifique n’a été réalisée sur l’évaluation de l’impact de cette mesure en 2013 et en 2014.

 

Quelles sont les revendications du secteur ?

L’objectif de cette conférence était aussi (surtout) de faire état de certaines revendications vis-à-vis des parlementaires européens présents. Ainsi l’ensemble des structures présentes s’accordent à réclamer :

  • - Une taille minimum de capture à 42 cm pour la pêche professionnelle et loisir accompagnée des mesures techniques correspondantes (augmentation de la taille des mailles des filets et chaluts)

  • - La fermeture de la pêche du bar durant l’intégralité de la période de reproduction

  • - L’application des mesures de gestion à l’ensemble des métiers de pêche professionnelle capturant du bar

  • - La mise en place de quotas individuels « qui ne mettent pas en danger le commerce »

  • - Le renforcement des contrôles et des sanctions à destination des contrevenants

  • - Pour la FNPPSF, et à priori l’ensemble des fédérations françaises, le refus du quota journalier au profit d’un quota mensuel

 

Quelques reflexions

La présence du directeur de la DG MARE (Commission Européenne), M. Friess a permis de repréciser des points fondamentaux en matière de gestion halieutique à l’échelle de l’Union Européenne. Ainsi au sujet de l’adaptation des mesures techniques associées à l’augmentation possible de la taille minimale, M. Friess déclare que cette évolution peut être particulièrement complexe et longue à aboutir en suivant le processus législatif européen sauf à ce que des mesures d’urgence soient mises en œuvre.

Au sujet du quota mensuel réclamé par les fédérations françaises, plusieurs intervenants ont souligné la complexité de cette mesure. M. Kiffer s’est appuyé sur l’exemple de la chasse terrestre pour laquelle cette disposition fonctionnerait. Il faut alors certainement rappeler qu’un permis payant (et cher…) et un encadrement très important existent….

Par ailleurs, de nombreux acteurs présents ont répété à plusieurs reprises leur inquiétude quant à l’état de santé du bar dans le Golfe de Gascogne et leur incompréhension face à l’absence de mesures de régulation contrairement à l’exemple de la zone Nord. Ce à quoi M. Friess a répondu avoir le sentiment que la situation du bar dans le Golfe de Gascogne était certainement aussi mauvaise que dans la zone Nord, sinon pire.

Les discussions qui ont suivi ont largement porté sur la question d’un futur TAC pour le bar. Les fédérations européennes ont interrogé la Commission sur leur place dans l’application d’un éventuel quota. La réponse de la DG MARE a alors été très claire : il n’est à priori pas question de réserver un TAC pour la plaisance mais plutôt de fixer des limites journalières de capture.

On peut maintenant se demander, pour rire, si la stratégie des fédérations qui visait à modérer leur part dans les captures n’était finalement pas la bonne ? La répartition des quotas de pêche étant en effet réalisée sur la base d’antériorités de pêche. Si le début des années 2000 était pris comme référence, ainsi que les évaluations réalisées à cette époque, les pêcheurs de loisir pourraient s’enorgueillir de posséder la majeure partie du quota !! Après tout, les pêcheurs professionnels ont quelques longueurs d’avance en matière de quotas de pêche. A ce propos, M. Friess a confirmé que des comportements abusifs de la part de bateaux de pêche professionnelle dans l’objectif de l’établissement d’un futur TAC ont été constatés….

 

Et le calendrier ?

Et bien nous n’avions pas plus d’informations à ce sujet à l’issue qu’au début de la réunion. La Commission Européenne devrait proposer prochainement l’établissement d’un Total Admissible de Captures au même titre qu’une proposition de plan de gestion à long terme du bar. Ce plan de gestion devra ensuite être soumis au Conseil Européen ainsi qu’au Parlement Européen. Rien de bien précis donc, et une raison de plus pour rester vigilant sur le déroulement de ce processus.

La conclusion de cette conférence a été apportée par un Député européen, Richard Corbett, par la parole suivante : « Il est nécessaire que nous agissions au sujet du bar avec la plus grande précaution possible. Il est possible qu’on se trompe en adoptant des mesures de gestion fortes, mais les conséquences qu’entrainerait l’adoption de ces mesures sont sans commune mesure avec le désastre d’un effondrement des stocks de bar qui pourrait survenir si aucune mesure n’était prise ». On ne peut que saluer la sagesse de cette position. Espérons qu’elle soit entendue au-delà de l’assemblée présente ce jour et touche les bonnes oreilles…